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Jacques DUBOIS (1912-1994)

préface de Gilles Sacksick

Mais de quoi aurions-nous l’air ?...

« Ah !... tout de même… c’est drôle ! Figurez-vous de loin… je vous avais pris pour une vache… ! » Ainsi abruptement, s’exprimait un promeneur essoufflé et content de lui, tandis que mon ami Jacques Dubois, assis sur un talus, dessinait quelque paysage du Vexin… L’histoire, on le devine, je la tiens de Jacques. Et l’on devine aussi que nous n’avons, tous deux, certainement pas manqué cette occasion d’en rire : d’en rire presqu’avec ferveur ! C’est que cette touchante balourdise, restée anonyme, nous semblait, me semble encore, recéler quelque lumineuse métaphore : car après tout, il est bien possible en effet que, parvenu au faîte de sa méditation active, un peintre puisse ressembler à une vache ! Au reste –et que l’on n’y voie pas malice en cet enchaînement d’idées- Robert Doisneau ne nous racontait-il pas qu’un jour, posté depuis des heures à un angle de rue dans l’attente et l’espoir d’un cliché, un homme en imperméable mastic s’était approché de lui : « toi aussi, tu es de la maison ? ». C’est dire assez combien, peintre ou photographe, et dès qu’au travail, nous ressemblons peu à l’image excessive ou romantique que l’on se forge de nous, combien nous sommes en cet instant éloignés du souci de nous-mêmes, étrangers en somme à ce que nous paraissons. Ce moment du travail est celui, délicieux entre tous, de l’humilité : la véritable, celle atteinte malgré soi, mais sans laquelle la montagne –aussi magique soit-elle- n’accoucherait pas même d’une souris. Encore moins engendrerait-elle un sourire humain.
C’est l’instant du dialogue, celui de l’écoute. Or, nous le savons bien, l’œil écoute…
La preuve en est ici.

Gilles Sacksick, juin 2000